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Histoire de l'enluminure

Du papyrus au mécène, toute l'histoire de l'enluminure...

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Du papyrus au parchemin

La feuille de papyrus se fabrique en superposant des couches de fibres du roseau Cyperus papyrus. Ses feuilles sont séchées et polies afin d'offrir une surface propre à l'écriture.

Face au monopole égyptien, ce roseau poussant essentiellement dans les marais du Nil, un autre support d'écriture est inventé et trouve ses heures de gloire au Moyen Age : le parchemin. Il s'agit d'une peau de vache, de mouton ou de chèvre tannée, grattée, poncée et blanchie à la craie. Bien qu'onéreux, le parchemin présente l'immense avantage de pouvoir être fabriqué partout ! Sa diffusion puis sa généralisation au cours du Moyen Age conduit à une conception révolutionnaire de la mise en page du texte ainsi qu'au développement d'un nouvel art décoratif : l'enluminure.

Du rouleau au manuscrit

De nombreux procédés sont mis au point pour réaliser des textes longs depuis l'histoire de l'écriture : codification des tablettes d'argile pour en comprendre la succession, liens reliant des planchettes de bois, assemblage de feuilles de papyrus formant le rouleau qui reste longtemps la forme la plus répandue.

Le parchemin s'enroule aussi à ses débuts. Plus mince, plus souple et résistant que le papyrus, il provoque l'émergence d'une nouvelle organisation : le codex, ancêtre du livre actuel. D'abord marginal, il se trouve en situation de monopole dès le V° siècle après J.C.

Maintenant les feuilles sont pliées, assemblées en cahiers reliés à leur tour ; l'écriture devient possible sur les deux faces (deux fois plus qu'un rouleau de papyrus !) ; la manipulation est plus aisée ; le stockage de texte est plus dense (parfois plusieurs centaines de pages, difficile pour un rouleau). Parce qu'elle est en parchemin, la feuille peut recevoir plusieurs couches de peinture et de feuilles d'or : l'essor de l'enluminure s'en trouve donc indissociable. Le décor orne alors tous les types de livres médiévaux de plus en plus variés et nombreux.

Une variété de livres

Le Moyen Age est une période de dévotion ainsi la majeure partie des livres de cette époque sont d'inspiration liturgique. En parallèle, on voit se développer la multiplication des livres profanes littéraires ou d'études : romans de chevalerie, copies de textes antiques, livres d'études liés au commandes des nobles et des besoins universitaires...En voici quelques exemples :

La Bible : l'un des ouvrages les plus volumineux par son nombre de pages et sa taille. On la lit souvent à voix haute dans les monastères.

Les psautiers : ce sont des livres liturgiques contenant les psaumes pour la célébration des offices. On y trouve parfois un calendrier des activités des 12 mois de l'année, les signes du zodiaque, la liste des saints. Ils peuvent servir à l'apprentissage de lecture : on dit que Louis IX apprit à lire avec le psautier de Saint-Louis.

Les livres d'heures : ce sont des recueils de prières à l'usage des laïcs, fondées sur les 8 heures canoniques. Ouvrages de petit format, faciles à transporter, ils sont richement illustrés par les artistes les plus réputés. Leur luxe en font les privilèges des princes et des nobles.

Les apocalypses : livre rapportant les visions de l'apôtre Saint-Jean sur la fin du monde. Les graduels et les antiphonaires : ce sont les livres de chants utilisés pendant les offices. Ils sont souvent de grands volumes pour être lus par le chœur.

Les vies des saints : on y découvre les miracles et les martyrs. Les saints sont représentés avec leurs attributs et sont l'objet d'une profonde vénération. Les histoires et chroniques : les nobles aspirent à rattacher leur lignage à des événements héroïques où histoires réelle et imaginaire sont merveilleusement mêlées.

Les textes de l'Antiquité : nombre d'auteurs antiques ont été copiés et illustrés, cette mode atteindra son apogée à la Renaissance : Ovide, Horace, Virgile sont autant lus par les profanes que par les religieux. Les bestiaires : ils contiennent des descriptions et des histoires d'animaux ou de créatures fabuleuses : satyre, licorne, dragon sont fréquents. Ces livres sont souvent imprégnés d'une forte morale chrétienne.

Les herbiers : livres de sciences et de médecine à l'usage des praticiens. Les plus tardifs présenteront des conseils de plantations, de cueillette ou même de la vie quotidienne.

Les romans et la littérature : l'histoire du Roi Arthur, les Chevaliers de la Table Ronde...on a plaisir à les entendre à voix haute. Une iconographie riche permet de suivre l'intrigue pour celui qui ne sait pas lire. Ce sont les textes laïcs les plus populaires.

Les livres d'études : peu ornés, au format réduit, ils abordent la théologie, la grammaire, l'astronomie...et sont destinés aux étudiants. Leur véritable essor est lié au développement des universités dès le XII° siècle.

Enlumineurs et mécènes

La plupart des livres du Moyen Age sont des reproductions de textes anciens et religieux, réalisés dans les monastères où les copistes travaillent parfois sous la dictée.

Avec le développement du mécénat des princes et de riches marchands, une véritable corporation d'enlumineurs très prisés voit le jour. Les ateliers laïcs se multiplient dès le XII° siècle pour face à la demande croissante. Les livres deviennent plus riches, plus ornés : lettrines historiées, miniatures, bas de pages, encadrements fleuris sont abondamment rehaussés d'or ou d'argent sous l'influence religieuse byzantine.

En réalité l'artiste a peu de liberté, il est soumis :
- à la mise en page déjà organisée (des espaces précis lui sont réservés),
- aux exigences du commanditaire,
- aux nombreuses conventions représentatives (saints représentés avec leur attribut, stylisation décorative...). Il est rétribué selon l'importance et la complexité des enluminures ; il peut gagner des primes sur les bordures ou les lettres historiées.

La copie d'un livre de 400 pages demande six mois de travail à un copiste rapide, l'enlumineur travaille après si bien qu'un manuscrit s'achève parfois en plusieurs années. Le livre est donc rare et cher. Il représente un précieux objet de puissance.

Quelques grands mécènes ont marqué leur temps : Charles V, Jean de Berry, les Ducs de Bourgogne, les Médicis, Visconti, Sforza ; tous ont permis la réalisation de manuscrits d'une extrême richesse.

Les éléments décoratifs

Ils ont plusieurs fonctions :
- une connotation religieuse : dans les premiers temps, l'enluminure est faite à la gloire de Dieu, où l'or en reflète davantage la lumière,
- un repère visuel qui permet de comprendre rapidement le contenu du livre surtout quand on ne sait pas lire,
- un signe de richesse, le livre enluminé est apprécié comme oeuvre d'art.

Les éléments décoratifs sont variables :
- la miniature est finalement l'élément décoratif le plus grand, parfois inséré dans le corps de texte, en pleine page ou en début de texte,
- la lettrine historiée quand elle renferme un récit familier, ornée quand elle est simplement décorative, zoomorphique quand elle illustre un animal ou une créature fantastique,
- les bordures deviennent parfois de véritables cadres. L'or abonde jusqu'à la moitié du XIV° siècle en raison de l'influence byzantine, plus tard le style devient plus réaliste, les couleurs prennent le dessus.

Glossaire

Ais : planchette de bois utilisée dans les reliures médiévales. Il est souvent recouvert de peau et orné.

Antiphonaire : livre de chants utilisé pendant la messe.

Bestiaire : livre contenant des descriptions et des histoires d'animaux familiers ou imaginaires. Doté d'une forte morale chrétienne.

Bréviaire : livre liturgique rassemblant un certain nombre de textes pour les offices : prières, chants, psaumes...

Calendrier : liste des mois de l'année indiquant les jours de fête des saints. Il est présent généralement en début de certains manuscrits comme les livres d'heures.

Caroline : écriture minuscule aux lettres rondes et régulières. Elle est apparue sous le règne de Charlemagne et permit un gain de temps dans la copie des textes. Les écritures ultérieures s'en inspirèrent largement.

Codex (pl. codices) : du latin caudex, tablette pour écrire. Les premiers codices sont des tablettes de bois attachées, puis avec le parchemin, les feuilles sont pliées et réunies en cahiers reliés à leur tour. C'est notre livre actuel.

Colophon : formule placée en fin de manuscrit par le copiste et donnant des indications sur le lieu et la date du travail ainsi que le nom du copiste ou du destinataire.

Copiste : personne responsable de la transcription d'un texte. Enluminure : du latin illuminare, rendre lumineux. Ce sont les décors peints et dorés des manuscrits de parchemin : lettrines, miniatures, encadrements. En plein développement avec la généralisation du parchemin et l'influence byzantine à partir du VI° siècle.

Entrelacs : motifs décoratifs où les lignes s'entrecroisent. Folio : feuillet de livre, comprenant un recto et un verso, c'est-à-dire deux pages.

Glose : commentaire destiné à éclaircir ou traduire certains passages dans un manuscrit.

Graduel : livre de chants pour la messe.

Herbier : livre de sciences et de médecine à l'usage des praticiens donnant les vertus médicinales des plantes ; plus tardivement certains traitent des plantations et donnent des conseils divers (culinaires et vie quotidienne).

Initiale (ou lettrine) : grande lettre placée au début d'un ouvrage ou d'une section. Elle est parfois décorée ou historiée (contenant une image).

Livre d'heures : recueil de prières à l'usage des laïcs, fondés sur les huit heures canoniques (c'est-à-dire les offices religieux). Il comportait souvent des calendriers et des psaumes.

Miniature : ne vient pas du latin minimum (petite taille) mais de miniare c'est-à-dire dessiner à l'aide de minium, oxyde de plomb orange. A l'origine, on utilisait ce pigment pour les titres et les initiales. Il désigne aujourd'hui l’illustration indépendante des autres éléments décoratifs tels que les bordures ou les lettrines.

Palimpseste : support d'écriture réutilisé après grattage d'un texte antérieur. Cette pratique s'explique par le coût onéreux des supports papyrus et parchemin.

Papier : dérive du latin papyrus désignant une feuille mince propre à l'écriture et quel qu'en soit le constituant. Le papier tel que nous le connaissons, est fabriqué à partir d'une pâte de fibres végétales. Diffusé en Chine dès le II° siècle, il arrive en Occident vers le X° siècle. D'abord réservé aux livres de peu d'importance, le papier se répand avant même la mise en place de l'imprimerie.

Papyrus : le Cyperus Papyrus, roseau abondant dans la vallée du Nil en Egypte. Les feuilles sont humidifiées, frappées pour les coller les unes aux autres, séchées et polies pour les rendre propre à l'écriture. Le papyrus est présenté en rouleau ce qui rend la lecture peu aisée ; il est fragile ; sa production est monopolisée par les Égyptiens.

Parchemin : du grec pergamêné, peau animale qui était apprêtée à Pergame. Son usage révolutionnera l'architecture de l'écrit. Souple, il permet l'organisation en feuilles pliées et reliées. Résistant, il supporte les couches de peinture et d'or.

Psautier : livre contenant les 150 psaumes de l'Ancien Testament, accompagnés de prières, lectures et hymnes.

Réglure : série de lignes tracées à l'encre ou à la pointe pour aider le copiste à écrire sur les lignes ou entre elles.

Rouleau : du latin rotulus qui veut dire petite feuille. Ce sont des feuilles de papyrus ou parchemin assemblées, roulées et portant un écrit sur une face. Scriptorium : pièce réservée à la copie et la décoration des manuscrits dans les monastères.